Nous avons observé l’occultation d’une étoile par un astéroïde pour la NASA

Cordes positives et négatives obtenues selon les catégories d'observateurs établies par l'AFA. Profil : J. Desmars ; Vue d'artiste : R. Miller. Annotation des observateurs : SLA.La sonde spatiale Lucy de la NASA a été lancée en 2021. Son objectif est d’aller étudier plusieurs astéroïdes troyens de Jupiter entre 2027 et 2033. Pourquoi ? Parce que ces astéroïdes seraient composés de matériaux primitifs qui se sont agrégés lors de la formation du Système solaire. En apprendre plus sur ces astéroïdes c’est en apprendre plus sur la formation du Soleil et des planètes.

Schéma de la sonde spatiale Lucy avec une silhouette humaine donnant l'échelle.

Connaître très précisément la position et la forme des astéroïdes qui seront étudiés est important car cela permet d’affiner la trajectoire de la sonde et les manœuvres qu’elle effectuera près des astéroïdes. En effet, la sonde ne fera qu’un survol rapide des astéroïdes avant de se rendre vers le prochain. Lors du survol, la sonde va pointer ses instruments en direction de l’astéroïde et tourner sur elle-même pour qu’ils restent braqués dessus (elle va en quelque sorte tourner la tête en même temps qu’elle dépasse l’astéroïde).

La connaissance de la forme des astéroïdes va permettre d’ajuster les paramètres d’exposition lors de la prise de photos par la sonde. En effet, nous pouvons mesurer depuis la Terre la lumière renvoyée par l’astéroïde mais sans connaître sa superficie, on ne peut pas savoir si le corps est plutôt sombre (comme du charbon) ou plutôt clair, et donc on ne sait pas bien ajuster les paramètres de prise de vue.

La meilleure méthode pour mesurer la position et la taille des astéroïdes est de se rendre sur place avec une mission spatiale. Ça n’est pas toujours possible, c’est compliqué et ça coûte cher ! Le deuxième méthode la plus précise est celle des occultations. Cette méthode est bien plus précise que de faire des images avec de gros télescopes professionnels (comme avec le télescope spatial Hubble).

Le principe des occultations est simple. Lorsqu’un astéroïde passe devant une étoile, il masque la lumière de cette dernière. Si nous arrivons à mesurer précisément le moment où ce phénomène se produit (à quelques milliseconde près), nous allons pouvoir déduire la position précise de l’astéroïde. En effet, au moment de l’occultation, les positions de l’astéroïde et de l’étoile sont confondues. Comme on connaît très bien la position des étoiles (notamment grâce à la mission européenne Gaia), on en déduit la position de l’astéroïde.

L'occultation d'une étoile par un astéroïde - Crédit : Eric FrappaL’autre intérêt est de mesurer les dimensions de l’astéroïde. Là aussi, le principe est simple. Si l’ombre de l’astéroïde se déplace à 6,5 km/s sur Terre et que l’étoile disparaît pendant 10 s, alors la dimension de l’astéroïde est de 65 km. C’est que l’on appelle une corde. Il faut plusieurs cordes (donc plusieurs observateurs sur Terre) pour pouvoir avoir la silhouette de l’astéroïde.

Géométrie d'une occultation d'astéroïde - Patrick Sogorb, Astrosurf-Magazine n°96, janvier-février 2019C’est là où les astronomes amateurs peuvent jouer un rôle important. Ils ont des instruments mobiles (contrairement aux télescopes professionnels qui sont fixes). Ils peuvent se déplacer sur la bande où a lieu l’occultation (et où la météo est la meilleure). Ils peuvent se positionner à quelques kilomètres les uns des autres pour pouvoir mesurer plusieurs dimensions de l’astéroïde.

C’est pour cette raison que la NASA fait appel aux amateurs. Plusieurs campagnes d’observation ont été lancées dont une grande pour l’occultation par l’astéroïde Eurybate le 23 octobre 2022. L’intérêt de cette occultation est que l’étoile qui disparaît est assez brillante (magnitude 7), ce qui permet à presque tous les astronomes amateurs de l’observer, même avec un matériel modeste.

La SLA a participé à cette vaste campagne d’observation. Parmi plus de 300 observateurs déclarés, 18 observations positives ont été réalisées, dont 2 par des membres de la SLA et 44 observations négatives, dont 1 par d’autres membres de la SLA. Ces observations ont permis de préciser la forme de Eurybate. Voici la silhouette de l’astéroïde. Les cordes des membres de la SLA sont indiquées par une flèche et le prénom des personnes.

Cordes positives et négatives obtenues selon les catégories d'observateurs établies par l'AFA. Profil : J. Desmars ; Vue d'artiste : R. Miller. Annotation des observateurs : SLA.Pour en savoir plus sur cette campagne d’observation, vous pouvez lire l’article sur le site du magazine Ciel & espace et visionner la présentation faite aux Rencontres du ciel et de l’espace 2022.

Ce contenu a été publié dans Non classé. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Les commentaires sont fermés.

Archives