Tout commence lors d’une conférence de l’astronome professionnel Marc OLLIVIER aux RCANE 2017 (Rencontres des clubs d’astronomie du Nord-Est) à Amnéville. Il était venu présenter les résultats de la mission CoRot. Lancé en 2006, le télescope spatial avait pour objectif d’étudier la structure interne des étoiles et de détecter de nouvelles exoplanètes (des planètes hors du Système solaire).
Lors de cette conférence, Marc OLLIVIER a présenté plusieurs exoplanètes étudiées par CoRot. Il a aussi évoqué l’exoplanète surnommée Osiris, qui fut la première dans plusieurs domaines, en particulier la première exoplanète dont l’atmosphère a été détectée.
La conférence de 2017 faisait écho à une conférence donnée par Marc OLLIVIER dix ans plus tôt au début de la mission de CoRot. A cette époque, il avait incité les astronomes amateurs présents à tenter d’observer cette exoplanète. Dix plus tard, il n’a reçu aucun résultat et relance le challenge. Défi relevé !
La détection des exoplanètes par les astronomes professionnels
La première exoplanète tournant autour d’une étoile de type solaire a été détectée en 1995 par Michel Mayor et Didier Queloz à l’observatoire de Haute-Provence en France. A l’époque, cette découverte a fait grand bruit et a ouvert la voie à de nombreuses détections. Début 2018, ce sont plus de 3000 exoplanètes qui ont été confirmées.
Découvrir des exoplanètes s’est révélé un peu plus facile que prévu. La première chose qui a surpris les astronomes, ce sont que les premières exoplanètes trouvées sont très proches de leur étoile et donc tournent très vite ! L’exoplanète découverte par Mayor et Queloz, nommée 51 Pegasi b, tourne en seulement 4 jours autour de son étoile ! C’est ce que les astronomes appellent un Jupiter chaud. A comparer avec la Terre qui met 1 an pour faire le tour du Soleil et avec Jupiter qui met 12 ans. Par conséquent, la détection d’exoplanète est plus facile : il « suffit » d’observer quelques jours pour mettre en évidence ces exoplanètes.
Cependant, il est très difficile de déceler directement une exoplanète. En effet les étoiles sont extrêmement lumineuses comparées aux exoplanètes. De plus, vu depuis la Terre, les deux astres se confondent. Cela revient à vouloir détecter un moustique qui tourne autour d’un phare à Marseille alors que l’on regarde avec un télescope depuis Paris !
Il existe essentiellement deux méthodes pour détecter des exoplanètes. Celle utilisée par Mayor et Queloz s’appelle la méthode des vitesses radiales. Elle consiste à mesurer le léger déplacement de l’étoile, dû à la présence de l’exoplanète. En réalité on ne voit pas l’étoile se déplacer mais on peut mesurer ce déplacement indirectement avec la spectroscopie.
L’autre méthode est celle des transits. Elle a été utilisée par les télescopes spatiaux CoRot et Kepler. Elle consiste à observer la baisse de luminosité d’une étoile lorsqu’une exoplanète passe devant.
L’exoplanète Osiris est aussi la première à avoir été découverte par la méthode des transits (en 1999).
La détection réalisée à la SLA
Avec la démocratisation de l’informatique et des appareils photos numériques au début des années 2000, les astronomes amateurs ont pu disposer des moyens techniques nécessaires à la détection des exoplanètes.
La méthode des transits est la méthode la plus accessible. Mais la méthode des vitesses radiales peut aussi être utilisée, pour les astronomes amateurs les plus aguerris.
L’exoplanète HD 209458 b (c’est le nom officiel d’Osiris) est un peu plus grosse que Jupiter (1,4 fois son diamètre), un peu plus « légère » (0,7 fois sa masse) et se situe à 154 années-lumière de la Terre.
Le passage de l’exoplanète devant son étoile provoque une baisse de luminosité de 1,5% (0,016 magnitude). Ce phénomène a lieu tous les 3,5 jours et dure 3 heures.
Le matériel utilisé pour cette expérience est le télescope Newton de 250 mm de diamètre de la SLA et une caméra CCD Atik 11000. Le lieu d’observation est la coupole de la SLA à la Faculté des Sciences et Technologies à Vandœuvre-lès-Nancy.
Le site ETD (Exoplanet Transit Database) fournit toutes les informations sur les prochains transits d’exoplanètes.
Nous étions donc fin prêts pour le transit de HD 209458 b prévu le 30 octobre 2017 à partir de 19h59 (heure légale). Les conditions météo n’étaient pas fantastiques mais le ciel était dégagé. De fins nuages d’altitude sont régulièrement passés durant l’observation. De plus la présence de la Lune au trois quart pleine n’était pas un avantage (elle illumine le ciel et les nuages). Malgré cela, tout s’est bien passé et nous avons pu acquérir des images pendant toute la durée du phénomène. Ce sont en tout 277 images qui ont été enregistrées pendant plus de 4 heures, soit en moyenne une par minute. Le temps de pose pour chaque image était de 30s.
Ensuite est venu le moment de dépouiller les données. Une première analyse a été réalisée avec le logiciel Iris. Voici le résultat :
On voit bien la baisse de luminosité de l’étoile, un palier puis la remontée de la luminosité. La durée du transit observé correspond à celle prédite : environ 3h (l’axe horizontal indique le numéro de l’image, ce qui correspond approximativement à chaque minute). La profondeur du transit (l’axe vertical est la luminosité relative de l’étoile en milli-magnitude), c’est-à-dire la baisse de luminosité est conforme aux prévisions (prévision : 16 milli-magnitudes ; observé : environ 20 milli-magnitude).
Quel est l’intérêt de ce type d’expérience ? Tout d’abord cela permet de faire une expérience scientifique de A à Z, de l’acquisition à l’analyse des données. D’autre part cela permet de préciser les paramètres orbitaux des exoplanètes : plus on dispose d’observations, plus ces paramètres sont précis. Enfin on peut trouver des perturbations (un transit qui a lieu plus tôt ou plus tard que prévu par exemple) et ainsi trouver de nouvelles exoplanètes.
Didier Walliang
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